Dix ans de gestion à distance depuis les États-Unis, ça suffit ! La population de Saint-Michel de l’Attalaye a paralysé sa commune ce mardi pour exiger le départ de Gueillant Dorcinvil, cet agent exécutif qui dirige la mairie… depuis l’étranger. Une révolte populaire qui illustre parfaitement les dérives de la gouvernance locale haïtienne.

Il fallait s’y attendre. Après dix longues années de patience, la marmite de Saint-Michel de l’Attalaye a fini par exploser. Mardi 16 septembre, des centaines d’habitants ont envahi les rues pour dire « stop » à une situation devenue insupportable : être gouvernés par WhatsApp depuis Miami ou New York.

Gueillant Dorcinvil, l’agent exécutif intérimaire visé par cette colère populaire, incarne tout ce que détestent nos compatriotes : ces responsables qui profitent des avantages du pouvoir tout en vivant confortablement à l’étranger. Une situation que connaissent bien nos frères et sœurs de la diaspora, souvent sollicités pour « gérer » de loin les affaires familiales ou communautaires restées au pays.

La révolte du ras-le-bol

Le mouvement FORESMA, qui a mobilisé plusieurs centaines de jeunes et de citoyens, n’y est pas allé par quatre chemins. Grilles de la mairie fermées, route du grand Nord bloquée : Saint-Michel de l’Attalaye a vécu une journée d’arrêt total. Un message clair envoyé aux autorités centrales qui laissent ces situations pourrir.

Les griefs contre Dorcinvil sont accablants. Insalubrité ambiante, absence de système de drainage, inaction face aux problèmes quotidiens : la liste des reproches reflète le quotidien de nombreuses communes haïtiennes abandonnées par leurs dirigeants.

Pour nos compatriotes qui ont quitté le pays, cette histoire résonne différemment. Beaucoup connaissent la difficulté de gérer à distance, que ce soit les affaires familiales ou les petits commerces. Mais diriger une commune entière via des applications mobiles ? C’est pousser le bouchon un peu loin.

« WhatsApp ne peut pas remplacer la présence »

Cette gestion virtuelle symbolise un problème plus large dans la gouvernance haïtienne : l’absentéisme des responsables. Combien de maires, de directeurs départementaux ou de responsables publics vivent loin de leurs zones de responsabilité, tout en conservant leurs postes et leurs privilèges ?

Les manifestants l’ont bien compris : on ne peut pas administrer une commune depuis un salon climatisé de Fort Lauderdale. Les nids-de-poule ne se comblent pas par message vocal, les égouts bouchés ne se débouchent pas par emoji, et l’insalubrité ne se règle pas par transfert d’argent.

Une justice aussi dans le collimateur

Mais les protestataires de Saint-Michel ne se sont pas arrêtés à la mairie. Ils ont également visé le tribunal de paix et son juge, Michelet Jean, accusé d’avoir « monnayé la justice au profit du plus offrant ». Une accusation grave qui montre que la corruption gangrène tous les échelons du pouvoir local.

Cette dénonciation de la justice corrompue touche une corde sensible pour tous les Haïtiens qui ont un jour eu affaire au système judiciaire. Combien d’entre nous, ici comme à l’étranger, ont des histoires à raconter sur des décisions de justice achetées ?

Un ultimatum au pouvoir central

Les manifestants ont été clairs : si le Conseil présidentiel de transition ne remplace pas l’équipe municipale actuelle, le mouvement continuera. Ils exigent aussi une enquête de l’Unité de lutte contre la corruption sur la gestion de Dorcinvil.

Cette mobilisation citoyenne arrive à un moment où de nombreuses communes haïtiennes vivent des situations similaires. Entre responsables absents, corruption endémique et services publics défaillants, Saint-Michel de l’Attalaye pourrait bien donner des idées à d’autres localités fatiguées d’être gouvernées depuis l’étranger.

Cette révolte de Saint-Michel pose une question fondamentale : jusqu’à quand les Haïtiens accepteront-ils d’être dirigés par des responsables fantômes qui cumulent pouvoir et confort de l’expatriation ? Et surtout, cette mobilisation citoyenne ne devrait-elle pas inspirer d’autres communes victimes de la même négligence ? Car après tout, diriger son pays, c’est d’abord accepter d’y vivre.

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