Tom Fletcher, haut responsable de l’ONU, brise le silence après sa visite en Haïti. Son constat est brutal : avec seulement 12% des fonds promis débloqués, la communauté internationale tourne le dos à la crise humanitaire haïtienne. Un aveu d’impuissance qui résonne douloureusement pour nos compatriotes pris au piège.
Rarement un responsable onusien aura été aussi direct. Tom Fletcher, le secrétaire général adjoint de l’ONU aux affaires humanitaires, ne mâche pas ses mots après sa récente visite sur le terrain haïtien. Son verdict tombe comme un couperet : la réponse humanitaire internationale en Haïti est un « échec ».
Les chiffres qu’il révèle donnent le vertige. Sur les 908 millions de dollars promis pour sauver quatre millions de vies haïtiennes, moins de 12% ont effectivement été débloqués. Un ratio qui fait froid dans le dos quand on sait que derrière ces statistiques se cachent des familles entières qui survivent tant bien que mal dans les camps de déplacés.
Quand les grands donateurs ferment leurs portefeuilles
« Nous constatons que la communauté internationale est devenue moins généreuse », admet Tom Fletcher avec une franchise désarmante. Cette générosité en berne ne concerne pas que Haïti, précise-t-il, mais touche l’aide humanitaire mondiale. Une maigre consolation pour nos compatriotes qui voient leurs besoins les plus basiques ignorés.
Les États-Unis, traditionnellement le premier donateur pour Haïti, font partie de ces bailleurs de fonds devenus « discrets ». Même constat pour d’autres donateurs historiques qui invoquent leurs « préoccupations internes » pour justifier leur retrait. Une attitude qui rappelle amèrement à nos frères et sœurs de la diaspora américaine les promesses non tenues après le séisme de 2010.
Des besoins criants, mais surtout « besoin d’espoir »
Sur le terrain, Tom Fletcher a pu constater de visu la détresse des déplacés internes. Nourriture, eau potable, soins médicaux : la liste des besoins urgents s’allonge chaque jour. Mais au-delà de ces nécessités vitales, le responsable onusien souligne une carence encore plus profonde : « Le plus important, ils ont besoin d’espoir. »
Un espoir que beaucoup de nos compatriotes, qu’ils soient restés au pays ou qu’ils aient rejoint la diaspora, peinent à entretenir face à l’indifférence internationale. Comment croire en l’avenir quand même les organisations censées nous aider admettent leur impuissance ?
L’ONU reconnaît ses propres dysfonctionnements
Dans un rare moment d’autocritique, Tom Fletcher aborde aussi la gestion problématique de l’aide humanitaire. Il reconnaît qu’une partie des fonds finit dans les « poches d’organismes internationaux » plutôt que sur le terrain. Une réalité que nos compatriotes dénoncent depuis des années.
« Il faut dépenser la moitié des fonds dans des programmes de fonds communs aux pays bénéficiaires de l’aide, pas à New York, à Genève », plaide-t-il. Son objectif ? Que 70% des fonds transitent directement par les ONG et communautés locales. Un combat qu’il mène visiblement seul au sein de l’organisation onusienne.
Le cercle vicieux sécurité-humanitaire
Pour Tom Fletcher, le lien est évident : « Sans un changement sur l’aspect sécuritaire, l’humanitaire serait impossible à mesurer. » Une vérité que vivent quotidiennement les travailleurs humanitaires contraints de suspendre leurs opérations face aux gangs.
Cette spirale infernale bloque toute perspective de développement durable. Car pour passer de l’urgence humanitaire à la reconstruction, « il faut de la stabilité politique, un plan politique, un projet à long terme ». Des éléments qui brillent par leur absence dans le paysage haïtien actuel.
Face à ces aveux d’échec, une question brûlante se pose : combien de temps encore nos quatre millions de compatriotes en détresse devront-ils attendre que la communauté internationale passe des promesses aux actes ? Et nous, Haïtiens d’ici et d’ailleurs, ne devrions-nous pas exiger des comptes à ces donateurs qui nous abandonnent dans l’indifférence ?