La violence qui ravage le pays compromet gravement l’approvisionnement en sang. Avec seulement 10 000 poches collectées au premier trimestre 2025 contre 21 000 en 2023, Haïti fait face à une urgence humanitaire qui touche directement la survie des patients.

L’équation est dramatique : moins de sécurité égale moins de sang disponible pour sauver des vies. En Haïti, cette réalité brutale se traduit par des chiffres alarmants qui font froid dans le dos. Le Centre national de transfusion sanguine (CNTS) n’a pu collecter que 10 000 pochettes de sang durant les trois premiers mois de 2025, soit plus de la moitié de moins qu’en 2023 à la même période.

Cette chute vertigineuse illustre comment l’insécurité qui gangrène le pays depuis des mois impacte maintenant directement le secteur de la santé, créant une spirale mortelle où ceux qui ont besoin de soins ne peuvent plus en bénéficier.

Quand les balles bloquent les routes, les malades en pâtissent

L’exemple le plus frappant de cette tragédie s’est déroulé début septembre dans le Sud du pays. Pendant que les gangs semaient la terreur dans le bas de Port-au-Prince, un camion chargé d’équipements médicaux essentiels est resté bloqué au port de Varreux, incapable de rejoindre les Cayes et autres centres de transfusion du Grand Sud.

« Depuis lundi, un camion chargé d’intrants est resté bloqué à Varreux, en attente d’un embarquement vers Miragoâne », explique le Dr Ernst Noël, directeur du Programme national de sécurité transfusionnelle (PNTS). Ce convoi transportait pourtant des fournitures vitales : poches de collecte, tubes de prélèvement, alcool et coton.

Résultat concret de cette situation ? Des donneurs volontaires qui se présentent dans les centres mais repartent bredouilles, faute de matériel pour collecter leur sang. Une ironie cruelle dans un pays où chaque goutte de sang compte.

Port-au-Prince en tête malgré le chaos

Malgré l’insécurité qui règne dans la capitale, Port-au-Prince demeure paradoxalement le premier centre de collecte du pays avec 4 000 poches sur les 10 000 collectées au niveau national entre janvier et juin 2025. Un chiffre qui reste néanmoins en forte baisse comparé aux années précédentes.

Cette situation rappelle celle vécue par de nombreux Haïtiens de la diaspora qui, depuis l’étranger, observent avec inquiétude la dégradation progressive des services essentiels dans leur pays natal. Comme ces familles qui ne peuvent plus envoyer de médicaments à leurs proches, les dons de sang deviennent de plus en plus difficiles à organiser.

Les provinces résistent mieux

Bonne nouvelle du côté des départements : les centres de transfusion en province parviennent encore à couvrir 70 à 80% de leurs besoins, selon les données du PNTS. Cette performance contraste avec la situation dramatique de Port-au-Prince où seulement 46% des patients nécessitant une transfusion peuvent en bénéficier.

Cependant, même les provinces ne sont pas épargnées. L’Hôpital universitaire de Mirebalais (HUM), qui collectait entre 100 et 150 poches par mois, a dû fermer ses portes en avril 2025 à cause de l’insécurité. Sa fermeture représente une perte considérable pour le réseau national de collecte.

Le CNTS résiste à Turgeau

Face à l’avancée des gangs dans le centre-ville, les responsables du CNTS avaient un moment envisagé de délocaliser leurs activités de Turgeau vers l’Hôpital universitaire de la Paix à Delmas 33. Finalement, cette option a été abandonnée faute d’espace suffisant pour accueillir les équipements.

« Heureusement, la situation sécuritaire à Turgeau s’est stabilisée, ce qui nous permet de maintenir nos activités sur place. Nous constatons d’ailleurs que les donneurs reviennent progressivement », précise le Dr Noël.

Une crise qui nous concerne tous

Cette situation dépasse les frontières d’Haïti et interpelle toute la communauté haïtienne, qu’elle soit sur l’île ou dispersée aux quatre coins du monde. Car derrière ces statistiques se cachent des vies humaines : des femmes en couches qui risquent l’hémorragie, des victimes d’accidents qui ne trouvent pas de sang compatible, des malades chroniques privés de soins.

La question qui se pose aujourd’hui est simple : comment la communauté internationale et la diaspora haïtienne peuvent-elles contribuer à résoudre cette crise humanitaire ? Le temps presse, et chaque jour qui passe sans solution durable coûte des vies humaines.

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