Le gouvernement haïtien annonce un « budget de guerre » pour combattre l’insécurité, mais refuse paradoxalement de recruter massivement dans la PNH et les FADH. Pendant que des millions s’envolent vers des forces étrangères, la jeunesse haïtienne reste exclue d’une bataille qui se joue pourtant sur son propre territoire.

L’ironie est saisissante. Haïti décrète un « budget de guerre » pour lutter contre l’insécurité qui gangrène le pays, mais refuse de mobiliser ses propres fils et filles pour cette bataille décisive. Dans le budget rectificatif 2025 annoncé par Fritz Alphonse Jean, président du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), aucun plan de recrutement massif n’est prévu pour renforcer la Police Nationale d’Haïti (PNH) ni les Forces Armées d’Haïti (FADH).

Cette approche défie toute logique militaire et historique connue. Partout dans le monde, quand un pays entre en guerre – qu’elle soit militaire ou sociale – la première réaction consiste à mobiliser ses forces internes, particulièrement sa jeunesse. L’Ukraine face à l’invasion russe, la France lors des deux guerres mondiales, même les États-Unis après Pearl Harbor : tous ont d’abord fait appel à leurs citoyens avant de chercher des alliés extérieurs.

Quand l’État haïtien préfère les étrangers à ses propres enfants

Mais en Haïti, on semble croire que la solution viendra uniquement de l’extérieur. L’État peut bien allouer des milliards de dollars à des forces étrangères, mais sans synergie nationale, sans stratégie sociale, sans mobilisation de la jeunesse, rien ne changera durablement.

La question qui brûle toutes les lèvres : où est passée la fameuse mission multinationale ? Quel est son bilan concret après tous ces mois de présence ? Les forces kényanes et autres contingents internationaux sont-ils devenus de simples « touristes armés », comme certains l’insinuent ? Pendant que des millions sont engloutis dans leur maintien sur le territoire haïtien, aucun plan d’intégration ou de transfert de compétences n’est visible à l’horizon.

Un déséquilibre sécuritaire alarmant avec la République dominicaine

Les chiffres parlent d’eux-mêmes et révèlent l’ampleur du défi sécuritaire haïtien. Nos voisins dominicains disposent d’un effectif militaire global de 44 500 soldats, avec 24 000 hommes dans l’armée de terre, 40 aéronefs et 33 navires. Leur police nationale compte 38 716 agents.

En face, Haïti présente un tableau désolant : seulement 15 498 policiers (dont 1 711 femmes) dans la PNH et entre 1 200 et 2 000 membres dans les FADH. Autrement dit, la République dominicaine dispose d’une force policière plus de deux fois supérieure à celle d’Haïti, et ses forces armées sont 20 à 30 fois plus nombreuses que les nôtres.

Ce déséquilibre rend le pays extrêmement vulnérable, tant face aux gangs armés qu’aux défis régionaux. Pour de nombreux Haïtiens de la diaspora qui suivent cette situation avec inquiétude, ces chiffres expliquent pourquoi leurs familles restées au pays vivent dans la peur au quotidien.

La jeunesse haïtienne : grande absente de l’équation sécuritaire

Pendant que l’État cherche des solutions à l’extérieur, la jeunesse haïtienne reste en marge des agendas politiques. Elle est exclue du système, livrée à elle-même, à la rue, à l’exil ou aux gangs. Cette exclusion sociale n’est pas un hasard si elle débouche sur l’insécurité : c’est un effet direct et prévisible.

Un vaste plan de recrutement au sein de la PNH et des FADH créerait pourtant des milliers d’emplois, stimulerait l’économie locale et restaurerait la confiance de la population envers ses institutions. Les criminologues, experts en sécurité et économistes s’accordent : on ne peut vaincre l’insécurité sans s’attaquer à ses racines sociales, économiques et politiques.

Le capital humain, cette ressource négligée

Les dirigeants haïtiens semblent oublier une vérité fondamentale : les ressources d’un pays ne sont pas que matérielles, elles sont surtout humaines. Gérer une nation, c’est d’abord gérer sa population en garantissant la sécurité, l’inclusion économique et l’accès aux opportunités.

Si nos dirigeants définissent l’économie comme la gestion des ressources rares, qu’ils se souviennent que le capital humain est la plus précieuse d’entre elles. Chaque jeune Haïtien laissé pour compte représente une opportunité manquée de construire un pays plus fort et plus sûr.

Une dette qui pèsera sur les générations futures

Pendant ce temps, les millions engloutis dans le maintien de forces étrangères s’accumulent. Tôt ou tard, Haïti devra rembourser ces dettes, qui pèseront lourdement sur un peuple déjà asphyxié économiquement. Une génération entière d’Haïtiens paiera le prix de cette stratégie qui privilégie l’externe à l’interne.

L’urgence d’un sursaut national

« Le problème d’Haïti est un problème d’hommes capables de penser le pays », résume parfaitement la situation actuelle. Ce ne sont pas seulement les armes ou les budgets qui font la force d’un État, mais la vision, la compétence et la volonté politique de ceux qui dirigent. Sans stratégie claire, sans formation de cadres solides, sans valorisation du service public, même les plus grands moyens resteront inefficaces. La solution à la crise haïtienne passe-t-elle vraiment par l’exclusion de sa propre jeunesse ? L’histoire jugera cette génération de dirigeants sur leur capacité à faire confiance aux forces vives de la nation plutôt qu’aux seules solutions importées.

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