L’ambassade américaine s’invite sur les réseaux sociaux pour combattre la propagande criminelle et dénonciatrice. Avec des primes colossales et des promesses de protection, Washington lance un appel direct aux proches des chefs terroristes pour les trahir.

Depuis plusieurs semaines, les Haïtiens qui scrollent sur Facebook ou consultent les pages de l’ambassade américaine voient défiler des messages percutants : des photos de chefs de gangs, des accusations directes, des appels à la dénonciation. Ce n’est pas une campagne publicitaire ordinaire. C’est une offensive diplomatique sans précédent contre la criminalité haïtienne, menée directement sur le terrain où les gangs eux-mêmes recrutent et construisent leur image.

Michael Hankey, conseiller principal à l’ambassade américaine, explique cette stratégie novatrice au Nouvelliste : les États-Unis ont décidé de combattre le feu par le feu. Si les gangs utilisent les réseaux sociaux pour contrôler le récit et légitimer leurs crimes, l’ambassade en fera autant pour casser ce narratif et rappeler à qui de droit que « l’ère de l’impunité est terminée ».

C’est un signal fort adressé aux Haïtiens, aussi bien ceux qui tremblent de peur sous le contrôle des gangs que ceux qui, dispersés à New York, Montréal, Miami ou ailleurs, suivent la situation de loin. Les États-Unis ne baissent pas les bras face au chaos.

Cinq millions de dollars pour trahir Barbecue

Le message américain est clair et chiffré. L’administration fédérale offre des récompenses astronomiques pour capturer les trois chefs terroristes les plus recherchés : 5 millions de dollars pour Jimmy Chérizier (Barbecue), 2 millions pour Vitelhomme Innocent, et 1 million pour Joseph Wilson (Lanmò Sanjou).

Pour comprendre l’ampleur de cette offre, il faut imaginer la réalité haïtienne. Cinq millions de dollars, c’est une fortune. C’est la possibilité de quitter Haïti, de s’installer confortablement ailleurs, de ne plus jamais craindre la vengeance d’un parrain criminelle. C’est aussi, pour ceux qui vivent sous la botte des gangs, une porte de sortie.

Michael Hankey révèle que chaque semaine, des dizaines de personnes contactent l’ambassade à ce sujet. Des proches des chefs terroristes ? Des anciens complices ? Des victimes d’extorsion qui en ont assez ? On ne sait pas exactement, mais le nombre parle de lui-même : le message passe. Les gens sont tentés.

L’ambassade garantit l’anonymat et la sécurité des informateurs. C’est un détail crucial dans un contexte où trahir un chef de gang, c’est risquer sa vie. Mais avec une protection américaine et des millions en banque, le calcul change.

Contrer la propagande criminelle en temps réel

Les gangs haïtiens ont compris que les réseaux sociaux sont des armes de pouvoir. Ils y affichent leur arsenal, leurs enfants en uniformes, leurs vidéos de menaces. Ils y recrutent, y intimident, y fabriquent des légendes urbaines autour de la violence. Barbecue lui-même s’est forgé une image quasi « révolutionnaire » auprès de certains, se présentant comme défenseur des pauvres contre l’élite.

L’ambassade américaine a décidé de briser ce charme. Ses messages sur les réseaux sont directs, sans artifice : « Les gangs terroristes prétendent rechercher la paix, pourtant ils persistent à commettre des meurtres indiscriminés, à détruire des biens et à déstabiliser le pays. Les membres des gangs utilisent les femmes et les enfants comme boucliers humains. »

Ce langage cru et sans détours rejoint beaucoup de Haïtiens. Trop de civils ont vu leurs enfants, leurs épouses ou leurs voisins tués par balles perdues ou massacres délibérés. Trop de quartiers ont été paralysés par les extorsions et les enlèvements. La fiction de « révolution » que vendent les gangs s’effondre face à la réalité du deuil et de la terreur.

La Force de répression des gangs : le bras armé haïtien

Pendant que l’ambassade mène son offensive numérique et financière, les États-Unis soutiennent aussi la Force de répression des gangs (GSF), la nouvelle structure haïtienne créée pour combattre la criminalité. L’administration américaine promet un financement régulier, du personnel qualifié et des prérogatives solides pour cette force.

C’est un investissement stratégique. Washington ne veut pas conquérir Haïti ; il veut que Haïti se conquière elle-même. La GSF, en collaboration avec la Police Nationale d’Haïti, représente cette ambition.

Mais pour que cela fonctionne, il faut de l’information de terrain, des renseignements fiables, des dénonciations. C’est là que les 5 millions de dollars entrent en jeu : chaque information qui mène à l’arrestation d’un chef de gang rapproche la GSF de la victoire.

Les États-Unis n’acceptent plus les complicités

Michael Hankey souligne aussi que Washington va continuer à sanctionner ceux qui soutiennent les gangs, qu’ils soient complices directs ou financiers. L’arrestation récente de Dimitri Vorbe, accusé d’avoir appuyé les groupes criminels, en est la preuve. Les États-Unis ne distinguent pas entre celui qui dégaine une arme et celui qui finance l’opération. Tous sont des ennemis.

C’est un message adressé non seulement aux criminels, mais aussi aux politiciens corrompus, aux policiers véreux, aux oligarques qui fermaient les yeux. Le jeu touche à sa fin.

Un tournant pour Haïti ?

Cette offensive combinée – numérique, financière, opérationnelle – pourrait marquer un tournant dans la lutte contre la criminalité en Haïti. Mais tout dépend d’une chose : la volonté des Haïtiens eux-mêmes à briser le silence et la peur.

Des proches de Barbecue vont-ils craquer face aux 5 millions ? Des familles terrorisées vont-elles enfin témoigner ? Des complices las de la violence vont-ils parler ? Les prochaines semaines le diront.

Pour les Haïtiens qui en ont marre du chaos, c’est un signal que quelqu’un se bat. Mais la vraie bataille, celle qui compte, dépend de vous : allez-vous enfin parler ?

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