Malgré les opérations de sécurité, la violence explose en Haïti. Le dernier rapport de l’ONU révèle un bilan effroyable : plus de 1 500 morts entre avril et juin 2025. Pour les Haïtiens du pays et de la diaspora, ces chiffres glacants traduisent une réalité que beaucoup vivent au quotidien ou redoutent pour leurs proches.

Les chiffres sont brutaux, implacables. Entre le 1er avril et le 30 juin 2025, au moins 1 520 personnes ont perdu la vie en Haïti, et 609 autres ont été blessées. Ces statistiques, révélées vendredi par le Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH), dressent le portrait d’un pays qui sombre dans une violence sans nom.

Pour les familles haïtiennes dispersées aux quatre coins du monde – de Miami à Montréal, de New York à Paris – chaque nouveau rapport est un coup au cœur. Derrière ces chiffres se cachent des visages, des histoires, des rêves brisés qui auraient pu être ceux de leurs proches restés au pays.

Port-au-Prince, l’épicentre de l’horreur

La zone métropolitaine de Port-au-Prince concentre à elle seule 77% des incidents recensés. Une réalité que connaissent bien les Haïtiens de la diaspora qui tentent désespérément de joindre leurs familles dans certains quartiers devenus inaccessibles. Delmas, Croix-des-Bouquets, Tabarre : ces noms résonnent différemment selon qu’on les entend depuis un salon de Brooklyn ou qu’on les vit depuis une maison barricadée de Pétion-Ville.

L’Artibonite suit avec 16% des violences, et le département du Centre avec 4%. Mais ces pourcentages ne disent rien de la terreur quotidienne des habitants de Mirebalais ou de Saut-d’Eau, désormais sous contrôle des gangs.

Qui tue qui ? L’anatomie de la violence

Le rapport BINUH révèle une réalité troublante : les forces de sécurité sont responsables de 64% des incidents, incluant parfois des exécutions sommaires. Une révélation qui questionne sur la nature même de la « sécurité » en Haïti. Les gangs, eux, représentent 24% des violences, souvent sous forme de massacres collectifs et de viols. Les groupes d’autodéfense « Bwa Kalé » complètent ce tableau avec 12% des exactions.

Ces chiffres interpellent particulièrement les Haïtiens à l’étranger qui soutiennent financièrement les efforts sécuritaires. Que financent-ils réellement ? Cette question hante de nombreuses conversations dans les communautés haïtiennes de l’étranger.

Les femmes, victimes d’une guerre qui ne dit pas son nom

628 femmes et filles violées entre avril et juin dans la capitale et l’Artibonite. Ces crimes, souvent commis lors d’attaques collectives, révèlent une dimension particulièrement odieuse du conflit haïtien. L’exemple rapporté par le BINUH glace le sang : le 8 mai, cinq femmes ont été violées collectivement puis abattues dans la commune de Delmas, simplement parce qu’elles rentraient d’une fête.

Pour les mères haïtiennes vivant à l’étranger, ces récits sont un cauchemar éveillé. Comment continuer à vivre normalement en sachant que leurs sœurs, leurs filles, leurs nièces courent de tels risques ?

L’économie de la terreur : 185 enlèvements en un trimestre

185 personnes enlevées au deuxième trimestre, dont 63% dans l’Artibonite. Derrière chaque enlèvement se cache un drame familial, souvent une ruine financière. Les rançons exorbitantes exigées par les gangs touchent directement les Haïtiens de la diaspora, derniers recours de familles désespérées.

Cette économie de la terreur transforme chaque appel téléphonique en angoisse, chaque silence prolongé d’un proche en cauchemar. Les transferts d’argent, autrefois symboles d’espoir et de solidarité familiale, deviennent parfois des contributions involontaires à cette machine criminelle.

La « paix » des gangs : quand le silence cache l’oppression

Paradoxalement, certaines zones connaissent une accalmie. Tabarre et Croix-des-Bouquets, contrôlés par les gangs 400 Mawozo et Canaan, n’ont plus besoin de violence ouverte. Leur domination est si totale qu’elle s’est muée en « gouvernance criminelle ». Cette « stabilité » illusoire, basée sur la peur et la soumission, interroge : est-ce là l’avenir d’Haïti ?

L’impossible retour

Pour les Haïtiens établis à l’étranger, ces rapports successifs signent l’impossible retour. Comment envisager de rentrer au pays quand les axes routiers vers la République dominicaine sont contrôlés par les gangs ? Comment investir dans un pays où 87% des victimes sont des hommes, souvent des chefs de famille ?

Le rêve du retour, entretenu par des générations d’émigrés, s’estompe face à une réalité que même les plus optimistes peinent à nier. Haïti ne s’enfonce pas seulement dans une crise sécuritaire : elle vit une destruction systématique de son tissu social.

L’appel du BINUH à « une réponse urgente pour protéger les civils et restaurer l’État de droit » résonne comme un cri dans le désert. Combien de rapports, combien de morts, combien de familles brisées faudra-t-il encore avant qu’une véritable solution émerge ? Pour les Haïtiens du monde entier, l’attente devient insoutenable.

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