Port-au-Prince, 28 mars 2025 – Le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) a adopté, lors d’une réunion statutaire tenue le jeudi 27 mars 2025, une résolution permettant aux magistrats non certifiés de solliciter une révision de leur dossier. Cette décision, qui suscite déjà de vives controverses, ouvre la voie à un processus de recours pour les juges concernés.

Un processus encadré pour les magistrats non certifiés

Selon les termes de la résolution, plusieurs conditions doivent être remplies pour qu’une demande de révision soit jugée recevable. Tout magistrat souhaitant contester sa non-certification doit fournir la preuve, au moyen d’un accusé de réception, qu’il a soumis une requête signée de sa main au CSPJ dans un délai maximal de trois mois suivant la publication des résultats de la non-certification. De plus, une réitération de la demande doit être adressée dans un délai de trente jours après l’adoption de cette résolution, accompagnée d’une copie de la requête initiale.

Si la demande est jugée recevable, le magistrat concerné sera convoqué à une audience exceptionnelle en présence de l’ensemble des membres du CSPJ. Cette audience, dont la date sera fixée par le Président du Conseil, constitue une ultime opportunité pour le magistrat de défendre son dossier. Toutefois, si la demande est jugée irrecevable, une décision sera notifiée au concerné sans possibilité de recours supplémentaire.

Les modalités de l’audience de révision

Le jour de l’audition, le magistrat doit se présenter seul devant le Conseil. Son plaidoyer doit être concis, respectueux et conforme aux exigences d’un débat judiciaire digne. Selon le CSPJ, si le magistrat est absente pour des raisons valables, une seconde convocation lui sera adressée dans un délai de trente jours. Cependant, une absence injustifiée sera considérée comme un abandon de la demande.

Onze magistrats concernés par cette décision

Le 1er octobre 2024, le CSPJ avait transmis au Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP) un rapport indiquant que onze magistrats n’avaient pas été certifiés en raison d’irrégularités graves. Parmi les motifs avancés figuraient l’absence d’intégrité morale, le rançonnement des justiciables et l’insuffisance académique.

Parmi les magistrats concernés figurent :

  1. Raymonde Jean ANTOINE, Suppléante Juge au Tribunal de Paix de Kenscoff : Absence d’intégrité morale, implication dans des actes de spoliation et de bandes armées.
  2. Alphonse EUGENE, Suppléant Juge au Tribunal de Paix de Hinche : Ranquêtement des justiciables, manquements graves à l’éthique.
  3. Christophe JEAN MICHEL, Juge et Juge d’Instruction à Petit-Goâve : Libération d’un inculpé de viol contre une somme de trois millions de gourdes.
  4. Louis Fils JOSEPH, Juge à Aquin : Faux jugements de divorce.
  5. Vogly LOUIS, Juge titulaire à Grand-Goâve : Insuffisance académique (pas de diplôme de Licence).
  6. Lyndor MOÏSE, Suppléant Juge à l’Anse-à-Veau : Arrestation arbitraire ayant conduit à un décès, complicité d’incendie.
  7. Lenor ORIENTUS, Juge à Fonds-des-Blancs : Ranquêtement des justiciables.
  8. Jean Flaury RAYMOND, Suppléant Juge à la Croix-des-Missions : Implication dans des actes de spoliation et de bandes armées.
  9. Jean David Moïse SIMON, Suppléant Juge à Jérémie : Absence d’intégrité morale.
  10. Mireille CHERESTIL SYLVAIN, Juge d’Instruction à Hinche : Manquements graves.
  11. Jean Mary TOUTENVA, Suppléant Juge à Hinche : Ranquêtement des justiciables.

Une décision qui divise

L’annonce de cette révision des dossiers des magistrats non certifiés suscite des réactions mitigées au sein de la communauté judiciaire et de l’opinion publique. D’un côté, certains saluent cette mesure comme une opportunité de justice et de transparence, permettant aux magistrats de se défendre contre d’éventuelles erreurs administratives ou accusations infondées. D’un autre côté, des critiques estiment que cette décision pourrait affaiblir la lutte contre la corruption dans le système judiciaire en réintroduisant des juges jugés inaptes à exercer.

Alors que la date des premières auditions n’a pas encore été fixée, tous les regards restent tournés vers le CSPJ, qui devra démontrer que ce processus de révision ne constitue pas un retour en arrière dans l’effort d’assainissement du pouvoir judiciaire en Haïti.

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