La crise sécuritaire force la suspension des services d’un pilier médical haïtien, mettant sous pression les autres structures sanitaires

Mirebalais – L’Hôpital universitaire de Mirebalais (HUM), l’un des principaux centres de santé d’Haïti, a annoncé sa fermeture jusqu’à nouvel ordre en raison de l’insécurité croissante dans la ville. Une note interne de Zanmi Lasante, l’organisation qui gère l’établissement, a informé le personnel de cette décision, invoquant la situation sécuritaire devenue intenable. Cette suspension, confirmée par le Dr Ralph Ternier, directeur des programmes cliniques de Zanmi Lasante, met en lumière l’impact dévastateur de la violence des gangs sur le système de santé haïtien, déjà fragilisé par des années de crises.

Une fermeture dictée par l’insécurité

Dans une correspondance interne relayée par Le Nouvelliste, la direction exécutive de Zanmi Lasante a justifié la fermeture de l’HUM par l’escalade de la violence à Mirebalais, où les gangs de la coalition Viv Ansanm ont récemment intensifié leurs attaques. La ville, située dans le département du Centre, a été le théâtre de pillages et d’affrontements armés, rendant les opérations hospitalières impossibles. « La communication s’adresse à notre staff et est liée à la situation d’insécurité qui prévaut depuis des semaines », a expliqué le Dr Ternier, contacté par Le Nouvelliste. « Comme institution, il fallait donner une explication aux employés qui se demandent s’ils doivent venir travailler ou non. »

Ternier a toutefois précisé que la note reste interne et a un caractère administratif, visant à clarifier la conduite à tenir pour le personnel. « L’Hôpital universitaire de Mirebalais se trouve dans la même situation que toutes les autres institutions de la ville. On ne peut pas travailler », a-t-il déclaré, ajoutant que l’établissement n’a pas subi de dommages directs causés par les bandits à ce jour. Il a assuré que l’hôpital rouvrira « dès que les conditions sécuritaires seront favorables », sans préciser de calendrier.

Un système de santé sous pression

La fermeture de l’HUM, qui dessert des milliers de patients dans le département du Centre et au-delà, aggrave une crise sanitaire déjà critique en Haïti. Avec la majorité des hôpitaux de Port-au-Prince fermés ou dysfonctionnels en raison des violences gangstéristes, Mirebalais était l’un des derniers bastions médicaux accessibles. Sa suspension met une pression énorme sur les autres structures du réseau Zanmi Lasante, notamment les hôpitaux de Hinche, Lascahobas et Belladère.

« Ces centres sont submergés », a reconnu le Dr Ternier. « Leur capacité d’accueil est mise à rude épreuve. » Pour pallier la fermeture de l’HUM, certains membres du personnel de Mirebalais ont été redéployés vers ces établissements, mais cette mesure reste insuffisante face à l’afflux de patients. La situation illustre l’effondrement progressif du système de santé haïtien, dans un contexte où 5,7 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire et plus d’un million sont déplacées internes.

Un impact au-delà de Mirebalais

La fermeture de l’HUM n’est pas un événement isolé, mais un symptôme de la crise sécuritaire qui paralyse Haïti. Mirebalais, autrefois un pôle économique et médical, est sous la menace des gangs depuis plusieurs semaines. En début avril, des commerces et dépôts ont été pillés, et des rumeurs d’attaques contre l’hôpital ont circulé, amplifiant la peur parmi les habitants. Sur X, des voix locales expriment leur désespoir : « Sans l’HUM, que va-t-on devenir ? Les bandits nous privent de tout », écrit un utilisateur.

Cette situation reflète une tendance plus large à Port-au-Prince, où des quartiers comme Canapé-Vert et Pacot ont été le théâtre d’affrontements meurtriers le 23 avril, faisant des dizaines de morts, dont des civils armés et des membres des forces de l’ordre. La coalition Viv Ansanm, qui contrôle 85 % de la capitale, étend son influence dans des régions comme le Centre, rendant des villes comme Mirebalais vulnérables.

Une réponse limitée face à la crise

La Police nationale d’Haïti (PNH) et la mission multinationale dirigée par le Kenya (MSS), avec seulement 416 officiers sur les 2 500 prévus, peinent à rétablir l’ordre. À Mirebalais, l’absence de sécurité a forcé non seulement l’hôpital, mais aussi d’autres institutions, à suspendre leurs activités. Les brigades d’autodéfense locales, composées de civils, tentent de résister, mais leur manque d’équipement et de coordination limite leur efficacité.

Le gouvernement haïtien, dirigé par le Conseil présidentiel de transition, a promis des mesures pour sécuriser les zones touchées, mais les ressources manquent. Un récent partenariat avec la Banque interaméricaine de développement (BID), signé le 21 avril, vise à renforcer les institutions et à relancer l’économie, mais ses effets à court terme sur la sécurité restent incertains.

Un appel à l’action

La fermeture de l’HUM met en lumière l’urgence d’une réponse internationale et nationale pour protéger les infrastructures vitales. Les organisations humanitaires, comme UNICEF et Médecins Sans Frontières, appellent à un accès sécurisé pour les travailleurs de la santé et à un renforcement de la MSS. Sur X, des Haïtiens demandent des comptes : « Où est l’État ? Pourquoi abandonne-t-on Mirebalais ? »

En attendant une amélioration des conditions, les patients doivent se tourner vers des centres déjà surchargés, au risque de complications graves. « Chaque jour de fermeture est une menace pour des vies », avertit le Dr Ternier, soulignant l’impact humanitaire de cette crise.

Un symbole de résilience en danger

L’Hôpital universitaire de Mirebalais, géré par Zanmi Lasante depuis 2013, a longtemps incarné l’espoir d’un système de santé accessible en Haïti. Sa fermeture, même temporaire, est un coup dur pour une population déjà éprouvée. Alors que les gangs continuent de semer le chaos, la réouverture de l’HUM dépendra de la capacité des autorités à reprendre le contrôle de Mirebalais, une tâche qui semble de plus en plus insurmontable sans un soutien international massif.

Partager.

Les commentaires sont fermés.

Exit mobile version