L’Unité de Lutte contre la Corruption confirme officiellement les accusations contre Marie Hordelyne Thérésa Alténor St-Vil et Renaud Adrien. Un projet de réhabilitation de place publique transformé en véritable gouffre financier, avec fausses identités et signatures contrefaites à la clé.

Le voile se lève sur l’une des affaires de corruption les plus troublantes du Nord-Est. Ce vendredi 26 septembre, l’ULCC a officiellement remis ses rapports d’enquête à la justice, confirmant les soupçons qui planaient sur la gestion frauduleuse du projet de réhabilitation de la place d’armes de Ouanaminthe.Au cœur du scandale : Marie Hordelyne Thérésa Alténor St-Vil, actuelle directrice départementale du ministère des Travaux publics du Nord-Est, et Renaud Adrien, son prédécesseur. Tous deux sont désormais formellement accusés d’abus de fonction, de faux et usage de faux, et d’entrave au bon fonctionnement de la justice.

Un projet sans budget, des millions volatilisés

L’enquête révèle une gestion pour le moins chaotique. Selon les investigations de l’ULCC dirigée par Me Hans Jacques Ludwig Joseph, le projet de la « Place publique » a été mené sans aucun cadre budgétaire approprié. Pas de devis détaillé, pas de ventilation des dépenses, juste un montant global flottant dans la nature.

Le résultat ? 26 millions 913 mille 854 gourdes dépensées sans laisser la moindre trace comptable valable. Pour donner une idée de l’ampleur, cette somme représente environ 205,000 dollars américains au taux actuel – de quoi financer plusieurs projets d’infrastructure dans une commune comme Ouanaminthe.

Pire encore, l’enquête révèle que des ressources d’autres projets ont été détournées pour financer ces travaux. Une pratique de vase communicant qui rappelle malheureusement d’autres scandales ayant secoué l’administration publique haïtienne.

Des identités trafiquées et des signatures falsifiées

Mais l’affaire prend une tournure encore plus sordide avec la découverte de falsifications documentaires. Marie Hordelyne Thérésa Alténor St-Vil utilisait régulièrement une carte d’identification nationale… qui n’était pas la sienne, mais celle de sa petite sœur ! Une supercherie qu’elle a fini par reconnaître devant les enquêteurs.

Le système frauduleux ne s’arrête pas là. Plusieurs ouvriers, dont Job Andrieux et le contremaître Aramus Raphael, ont formellement nié avoir signé les chèques censés correspondre à leurs salaires. Leurs signatures auraient été imitées ou apposées à leur insu, soulevant des questions troublantes sur le sort réel de ces paiements.

Un système d’emploi fantôme

L’ULCC dévoile également un réseau d’embauches totalement irrégulières. Un contremaître et une cinquantaine d’ouvriers ont été engagés sans aucune formalité légale : pas de contrats, pas de dossiers, pas de lettres d’engagement. Des employés fantômes qui ont permis de justifier des dépenses salariales sans contrepartie réelle.

Cette pratique, malheureusement familière à ceux qui suivent les affaires de corruption en Haïti, crée des obligations salariales irritantes pour l’État tout en permettant aux responsables de détourner les fonds correspondants.

Des recommandations qui tardent à venir

Face à ces révélations accablantes, l’ULCC formule plusieurs recommandations : audit général des comptes de la direction départementale du MTPTC pour la période 2018-2025, mise en place de manuels de procédures administratives, et renforcement des contrôles de conformité.

Des mesures de bon sens qui auraient pu éviter ce scandale si elles avaient été appliquées plus tôt. Car rappelons-le, Marie Hordelyne Thérésa Alténor St-Vil et l’ancien maire de Ouanaminthe, Luma Démétrius, ont été arrêtés le 16 septembre dernier, soit dix jours seulement avant la publication de ce rapport.

Cette affaire de Ouanaminthe illustre une fois de plus les failles béantes de notre système de contrôle des finances publiques. Alors que les citoyens du Nord-Est attendent toujours des infrastructures dignes de ce nom, des millions de gourdes continuent de s’évaporer dans les méandres de la corruption administrative. Combien d’autres « places publiques » cachent-elles des détournements similaires à travers le pays ?

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