L’ex-mairesse de l’Arcahaie, accusée de liens avec les gangs, sera extradée de République dominicaine ce mercredi. Mais selon le RNDDH, la Primature chercherait déjà à négocier sa libération, remettant en question la fermeté affichée du gouvernement contre l’insécurité.
À peine quelques jours après les déclarations martiales d’Alix Didier Fils-Aimé sur la « tolérance zéro » contre les gangs, une première mise à l’épreuve secoue déjà le gouvernement de transition. Rosemila Petit-Frère, ancienne mairesse de l’Arcahaie recherchée pour ses liens présumés avec des chefs de gangs, sera remise aux autorités haïtiennes ce mercredi après son arrestation en République dominicaine.
Des chèques compromettants dans les bagages
L’arrestation de Petit-Frère dimanche dernier à l’aéroport dominicain a révélé bien plus qu’un simple contrôle de routine. Selon Pierre Espérance, directeur exécutif du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), des « chèques de montants considérables » ont été découverts dans ses bagages, confirmant l’ampleur des soupçons qui pesaient sur elle.
L’ex-édile était déjà dans le collimateur des autorités depuis 2024, un rapport de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) la recherchant activement. Elle avait alors justifié son absence du territoire par un voyage médical à l’étranger – une excuse devenue classique parmi les responsables haïtiens fuyant la justice, rappelant d’autres cas récents de personnalités politiques ayant usé du même stratagème.
Des liens troublants avec le gang de « Kempes »
Les accusations contre Rosemila Petit-Frère ne se limitent pas à de simples irrégularités financières. Selon le RNDDH, elle aurait entretenu des relations directes avec un chef de gang criminel surnommé « Kempes », qu’elle aurait « alimenté en ressources ». Cette révélation s’inscrit dans un schéma désormais bien connu : celui de la collusion entre élus locaux et bandes armées, un phénomène qui gangrène de nombreuses communes haïtiennes et alimente l’insécurité que subissent quotidiennement les familles, aussi bien dans les quartiers populaires de Port-au-Prince qu’à travers les provinces.
La Primature déjà en mode négociation ?
Le plus troublant dans cette affaire réside peut-être dans les révélations de Pierre Espérance concernant d’éventuelles « tractations » entre la Primature et le ministère de l’Intérieur pour obtenir la libération de l’accusée. Si ces informations se confirment, elles révéleraient une contradiction flagrante avec les déclarations publiques du gouvernement sur sa fermeté face aux gangs.
Cette situation rappelle malheureusement d’autres épisodes où des personnalités accusées de liens avec l’insécurité ont bénéficié de protections politiques, alimentant le sentiment d’impunité qui ronge la société haïtienne et pousse de nombreux compatriotes vers l’exil.
Un test de crédibilité pour les institutions
L’affaire Petit-Frère survient à un moment critique où le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) multiplie les projets controversés, notamment l’organisation d’un référendum que beaucoup considèrent comme inconstitutionnel. Cette accumulation de tensions institutionnelles fragilise encore davantage la confiance des citoyens dans leurs dirigeants, qu’ils soient en Haïti ou dans la diaspora.
Pour les millions d’Haïtiens qui rêvent de voir leurs dirigeants tenir enfin leurs promesses de sécurité et de justice, l’issue de cette affaire constituera un véritable baromètre. La « tolérance zéro » annoncée résistera-t-elle aux premiers tests politiques ? Ou assistera-t-on une fois de plus à ces arrangements en coulisses qui ont tant contribué à décrédibiliser l’État haïtien ? Les prochains jours nous le diront.