Trois mois après sa libération controversée, l’ex-parlementaire Alfredo Antoine sort de son silence et annonce des poursuites judiciaires contre ses accusateurs. Une affaire qui illustre les tensions persistantes au cœur de l’appareil sécuritaire haïtien.
L’ancien député de Kenscoff, Alfredo Antoine, a choisi de briser le silence ce mardi 12 août 2025. Trois mois après avoir retrouvé la liberté, l’ex-parlementaire dénonce publiquement ce qu’il qualifie d’« arrestation illégale et arbitraire » orchestrée par l’ancien directeur général de la Police nationale d’Haïti (PNH), Rameau Normil.
Des accusations graves sans preuves tangibles
Arrêté par la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) pour des chefs d’accusation particulièrement lourds – complot contre la sûreté intérieure de l’État, liens présumés avec les gangs armés, complicité d’assassinat et association de malfaiteurs – Antoine conteste fermement ces allégations.
« J’ai passé un mois et quatre jours à la DCPJ, jusqu’à présent j’attends des indices irréfutables de l’institution policière prouvant ma participation dans les exactions des gangs armés dans la commune de Kenscoff », martèle l’ancien élu.
Selon ses déclarations, les enquêteurs n’auraient trouvé aucune preuve compromettante, pas même un simple échange téléphonique avec des membres de gangs criminels, malgré l’analyse de ses relevés téléphoniques.
Une vengeance politique déguisée ?
L’ex-député pointe du doigt les motivations réelles de son arrestation. Il accuse l’ancien directeur général Rameau Normil d’avoir voulu se venger en raison de sa proximité avec le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé.
« On ne peut pas m’imputer la responsabilité de l’envahissement de la commune de Kenscoff par des bandes criminelles, par le fait que je suis un proche du chef du gouvernement », déplore-t-il.
Cette dimension politique de l’affaire rappelle les tensions récurrentes qui traversent les institutions haïtiennes, où les rivalités personnelles se mêlent souvent aux enjeux de sécurité nationale.
Une contre-offensive judiciaire annoncée
Décidé à « laver son image et celle de sa famille », Alfredo Antoine annonce qu’il portera plainte, par l’intermédiaire de son cabinet d’avocats, contre les responsables de la DCPJ et d’autres personnalités impliquées dans cette affaire.
Parmi les accusés figure notamment Nazaire Joseph, membre de l’Assemblée de la section communale (ASEC), que l’ancien député accuse d’avoir accueilli des bandits de la coalition criminelle « Viv Ansanm » deux jours avant l’invasion de Kenscoff.
Les zones d’ombre de l’enquête
L’affaire prend une tournure particulière avec les révélations concernant Lubens Roland, alias « Ti Laroche ». Contrairement aux déclarations du porte-parole adjoint de la PNH, Lionel Lazarre, qui présentait cet homme comme un acteur clé des attaques de gangs à Kenscoff, Antoine affirme qu’il s’agit simplement d’un mécanicien habitant près de sa résidence.
Selon l’ex-député, « Ti Laroche » aurait été victime de « traitements cruels » pendant vingt-deux jours pour le contraindre à porter de fausses accusations contre lui.
Un engagement maintenu contre l’insécurité
Malgré cette épreuve, Alfredo Antoine réaffirme son engagement dans la lutte contre les gangs criminels qui sévissent dans sa commune. Il appelle le nouveau directeur général de la PNH à adopter « des mesures drastiques » pour renforcer la présence policière et neutraliser les bandits.
Cette affaire Alfredo Antoine illustre les défis complexes auxquels fait face Haïti dans sa lutte contre l’insécurité. Entre accusations politiques, rivalités institutionnelles et réalité du terrain, elle soulève des questions essentielles : comment garantir l’impartialité de la justice dans un contexte de crise ? Et surtout, comment restaurer la confiance des citoyens, tant en Haïti que dans la diaspora, envers des institutions fragilisées ? L’issue de cette contre-offensive judiciaire pourrait bien donner des éléments de réponse.