Quinze ans après sa création post-séisme, le Programme d’initiation des jeunes à l’emploi renaît de ses cendres. 249 stagiaires démarrent dès le 18 août, dans un pays où 200 000 jeunes arrivent chaque année sur un marché du travail déjà saturé.
Au Karibe Convention Center ce mardi, l’espoir avait un visage : celui de 249 jeunes Haïtiens fraîchement diplômés, prêts à entamer leur première expérience professionnelle grâce au Programme d’initiation des jeunes à l’emploi (PIJE). Une renaissance pour ce dispositif créé en 2010 mais longtemps mis en sommeil par l’instabilité chronique du pays.
Un programme né des cendres du séisme
L’histoire du PIJE commence tragiquement avec le tremblement de terre du 12 janvier 2010. Face aux défis de la reconstruction et aux besoins criants en ressources humaines qualifiées, l’État haïtien avait imaginé ce programme pour offrir une première chance aux jeunes diplômés. Quinze ans plus tard, l’initiative refait surface sous l’impulsion du Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé.
« Il y a plus d’une dizaine d’années depuis que l’État haïtien avait lancé le PIJE », a rappelé Jean Michel Silin, directeur général du budget. L’objectif reste le même : répondre au défi des 200 000 jeunes qui débarquent annuellement sur un marché du travail incapable de les absorber.
La méritocratie contre le système « grenn nan bouda »
Dans un pays où les relations personnelles ouvrent souvent plus de portes que les compétences, le ministre de l’Économie et des Finances, Alfred Metellus, a tenu à rassurer : « Votre accès à la fonction publique n’est pas le fruit d’un processus de parrainage, mais plutôt le fruit du travail acharné du Comité de pilotage. »
Une promesse qui résonne particulièrement chez les jeunes Haïtiens, qu’ils soient restés au pays ou qu’ils observent depuis l’étranger. Car nombreux sont ceux de la diaspora qui ont quitté Haïti précisément à cause de ce système où le mérite passe après les connexions familiales ou politiques.
Une jeunesse qui représente l’avenir du pays
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon les estimations de la CELADE, 50% de la population haïtienne a moins de 25 ans, soit environ 6 millions d’habitants. Une richesse démographique qui pourrait devenir un atout majeur si elle est correctement encadrée et formée.
« L’avenir d’Haïti ne se trouve pas parmi les gangs armés, mais plutôt dans cette jeunesse », a martelé le conseiller présidentiel Lesly Voltaire, s’adressant directement aux stagiaires présents dans la salle.
Un démarrage modeste mais symbolique
Cette première cohorte débutera ses stages le 18 août dans des institutions publiques, en mode pilote. Le programme prévoit ensuite de s’étendre progressivement au secteur privé et aux autres départements du pays. Pour l’instant, seule la zone métropolitaine de Port-au-Prince est concernée, les contraintes sécuritaires limitant l’expansion en province.
Le PIJE ne garantit pas d’emploi permanent après le stage, mais l’expérience passée montre que certaines institutions ont su retenir les talents repérés pendant ces périodes d’immersion. Une opportunité précieuse dans un contexte où même les diplômés universitaires peinent à décrocher leur premier emploi.
Des défis à relever
Malgré l’optimisme affiché, les obstacles restent nombreux. L’instabilité politique, l’insécurité grandissante et la fuite des cerveaux continuent de plomber les perspectives d’emploi. Le programme devra aussi faire ses preuves en termes de transparence et d’équité, notamment concernant la parité hommes-femmes et l’inclusion des jeunes en situation de handicap.
Pour la diaspora haïtienne, ce relancement du PIJE pose une question cruciale : ce programme parviendra-t-il à convaincre les jeunes talents de rester au pays plutôt que de rejoindre les millions d’Haïtiens installés à l’étranger ?
Quinze ans après sa création, le PIJE entame donc un nouveau chapitre. Ces 249 jeunes pionniers porteront-ils la renaissance tant attendue du marché de l’emploi haïtien ? Ou ne seront-ils qu’une goutte d’eau dans l’océan du chômage des jeunes ? La réponse dépendra de la capacité de l’État à transformer cette initiative en véritable tremplin vers l’emploi durable.