Le 22 janvier 2025, à Jacmel, une ville symbolique d’Haïti, le président colombien Gustavo Francisco Petro Urrego a prononcé un discours émouvant et profond devant un public mixte d’haitiens et de colombiens. Cette allocution, marquée par une forte charge émotionnelle et historique, a souligné l’importance de l’unité des peuples latino-américains et caribéens, tout en rendant hommage à l’héritage de la révolution haïtienne, un événement historique longtemps négligé par le monde.
Un hommage à la révolution haïtienne
Dans son discours, Petro a adressé un « salut spécial » au peuple haïtien, qualifiant ce dernier de « peuple frère » qui a joué un rôle central dans l’histoire de la liberté en Amérique. Il a rappelé la visite historique de Francisco Miranda et Simón Bolívar à Jacmel, ville où ils avaient cherché soutien avant de partir en quête de la liberté sur le continent. Ces figures emblématiques, qui allaient jouer un rôle déterminant dans les luttes pour l’indépendance, avaient trouvé inspiration et force dans le modèle de la révolution haïtienne, qui, selon Petro, représente l’une des révolutions les plus profondes et puissantes de l’histoire.
Petro a également déploré l’oubli qui entoure cette révolution, soulignant que l’histoire a souvent tendu à occulter la révolte des esclaves noirs d’Haïti en faveur des récits de révolutions menées par des Blancs en Europe et en Amérique du Nord. Selon lui, « l’histoire oublie qu’une révolution noire a levé son drapeau ici, pour briser l’une des pires formes d’esclavage ». Cette révolte, qui a secoué le système colonial et donné un cri de liberté à l’Afrique, l’Asie, la Chine, Cuba, les Caraïbes et l’Amérique du Sud, a eu des répercussions mondiales. Le président colombien a insisté sur le fait que la révolution haïtienne n’a pas seulement libéré les esclaves, mais a aussi lancé un cri universel pour la liberté et l’émancipation humaine.
La Colombie, cœur du monde, et l’héritage des luttes afro-descendantes
Petro a également abordé le lien profond qui unit la Colombie à la révolution haïtienne, en évoquant la symbolique du drapeau colombien. Selon le président, ce drapeau, souvent mal interprété, a été conçu pour lutter contre la monarchie et pour incarner les idéaux républicains. Il a affirmé que les couleurs de ce drapeau ne sont pas le reflet de la monarchie européenne, mais plutôt le symbole de la rébellion haïtienne et de la lutte contre l’oppression. « Ce drapeau a été fabriqué par des mains noires, pas par des mains blanches », a-t-il affirmé, soulignant l’importance de la mémoire historique noire dans la construction de la République colombienne.
En évoquant cette lutte, Petro a également rappelé l’histoire tragique de l’esclavage et des indemnités réclamées par les anciens esclavagistes, notamment en Colombie, où des descendants d’esclavagistes ont parfois dirigé le pays. Ces gouvernements ont, selon Petro, perpétué une idéologie raciste et esclavagiste, responsable de milliers de morts dans la société colombienne. Le président a dénoncé cette continuité des inégalités raciales et a insisté sur la nécessité d’une reconnaissance de l’héritage des luttes afro-descendantes dans la construction des États modernes.
L’appel à l’unité des peuples d’Amérique latine et des Caraïbes
Dans une partie particulièrement poignante de son discours, Petro a lancé un appel à l’unité des peuples d’Amérique latine et des Caraïbes, soulignant que les divisions internes ne profitent qu’aux puissances extérieures. « Les peuples latino-américains et caribéens doivent s’unir. Ceux qui nous rejettent finiront seuls, appauvris, en déclin », a déclaré le président, appelant à un soutien mutuel face aux défis économiques et géopolitiques contemporains. Il a précisé que cette solidarité entre nations était indispensable pour contrer les influences extérieures, souvent destructrices, qui continuent de dominer la région.
Petro a aussi pris un moment pour s’excuser au nom des Colombiens pour le meurtre de Jean-Pierre Boyer, président d’Haïti, par des ressortissants colombiens, soulignant que cet acte ne représentait en aucun cas le peuple colombien. Cette reconnaissance de la douleur et de l’injustice passée fait écho à son appel à la réconciliation entre les peuples de la région.
Une critique acerbe du néocolonialisme
En conclusion, le président Petro a critiqué ce qu’il a appelé le « néocolonialisme » des puissances mondiales, notamment des États-Unis et de l’Europe. Il a rappelé que ces puissances ont souvent été les premières à profiter des luttes de libération en Amérique, tout en cherchant à imposer leurs propres intérêts et à maintenir des rapports de domination. Il a insisté sur le fait que l’indépendance véritable ne peut être atteinte que si les peuples d’Amérique latine et des Caraïbes se battent pour leur autonomie, leur culture et leur dignité.
Une vision de l’avenir
Le discours de Gustavo Petro à Jacmel s’inscrit dans une vision de réconciliation et de renouveau pour les peuples d’Amérique latine et des Caraïbes. Il a rappelé à l’auditoire que l’histoire ne doit jamais être oubliée, surtout les révolutions portées par les peuples opprimés, car elles sont la clé pour comprendre le présent et construire un avenir meilleur. À travers cette allocution, le président colombien a posé une question fondamentale : « Y a-t-il de l’humanité sans liberté ? » Pour lui, la réponse est claire : « Non ».
Ainsi, son discours a été un appel à la solidarité et à la mémoire historique, visant à renforcer les liens entre les peuples frères de la région tout en honorant l’héritage de ceux qui ont sacrifié leur vie pour la liberté et l’indépendance.