Port-au-Prince, 9 avril 2025 — Alors que le compte à rebours s’accélère vers la date butoir du 24 avril fixée par l’administration Trump pour le départ des bénéficiaires du programme humanitaire dit « Programme Biden », de plus en plus de ressortissants haïtiens se tournent vers le Canada comme ultime recours. Dans un climat d’angoisse généralisée, des centaines de familles haïtiennes installées aux États-Unis voient leur avenir basculer dans l’inconnu.

L’espoir brisé du programme Biden

Mis en place en 2023 sous l’administration Biden, ce programme offrait à des milliers d’Haïtiens la possibilité de vivre temporairement aux États-Unis, à l’abri du chaos sécuritaire qui ravage leur pays. Mais depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche en janvier 2025, la politique migratoire américaine a pris un virage radical. Le 21 mars dernier, le président a annoncé un délai d’un mois aux bénéficiaires n’ayant pas obtenu un autre statut pour quitter le territoire américain.

« Je n’arrive pas à dormir. Je vis chaque jour avec la peur d’être expulsé », confie Bertrand*, un Haïtien arrivé aux États-Unis en janvier 2024. « On m’a envoyé une lettre d’expulsion. Mais aller où ? Je ne peux pas retourner en Haïti. »

Le Canada comme nouvelle destination

Face à la menace imminente d’expulsion, de nombreux Haïtiens choisissent de tenter leur chance au Canada. Selon Radio-Canada, les demandes d’asile au poste frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle, dans le sud du Québec, ont connu une nette hausse ces derniers jours. Le centre de traitement des réfugiés aurait déjà atteint sa capacité maximale.

Paul*, un autre migrant haïtien arrivé en avril 2024, dit avoir anticipé la situation. « J’ai déposé une demande d’asile dès mon arrivée. Mon dossier est encore à l’étude, donc je ne suis pas concerné par la date du 24 avril. »

Certains ont déjà franchi la frontière. « J’ai de la famille au Canada. J’ai quitté les États-Unis et j’ai fait une demande d’asile là-bas », confie un autre compatriote, également sous couvert d’anonymat.

Une nouvelle vague migratoire haïtienne

Les départs vers le Canada ne sont pas anecdotiques. Plusieurs groupes, majoritairement composés de ressortissants haïtiens, se présentent chaque jour à la frontière canadienne, espérant y trouver un accueil plus favorable. La pression est telle que les infrastructures d’accueil canadiennes peinent à suivre le rythme.

Cette situation rappelle l’afflux migratoire observé par le passé au poste de Roxham Road, avant sa fermeture en mars 2023. La crise actuelle pourrait bien entraîner une nouvelle vague de traversées irrégulières si les voies officielles se retrouvent saturées.

Une impasse politique et humanitaire

La situation en Haïti continue de se détériorer. Les zones contrôlées par des gangs armés se multiplient, y compris dans la capitale. Assassinat de civils, enlèvements, viols, incendies, et extorsions sont devenus monnaie courante. Même les écoles, les hôpitaux et les lieux de culte ne sont plus épargnés.

Dans ce contexte de violence extrême, le retour au pays n’est tout simplement pas une option pour de nombreux exilés. Et pourtant, face à la politique migratoire américaine de plus en plus stricte, le piège se referme sur des dizaines de milliers d’Haïtiens.

« Le rêve américain a viré au cauchemar. Maintenant, c’est le Canada qui représente un espoir, même fragile », témoigne un jeune migrant en route vers la frontière québécoise.

L’impuissance des autorités haïtiennes

Pendant ce temps, le Conseil Présidentiel de Transition (CPT), mis en place en avril 2024, est largement critiqué pour son inefficacité. Non seulement les solutions politiques peinent à émerger, mais la situation sécuritaire s’est empirée depuis sa prise de fonction. Selon plusieurs observateurs, davantage de territoires sont aujourd’hui tombés sous le joug des groupes armés.

Face à ce vide de gouvernance et à la dégradation continue des conditions de vie, l’exil devient pour beaucoup le seul moyen de survie — quitte à tout risquer pour franchir une frontière.

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