Port-au-Prince, 25 mars 2025 – Face à une crise sécuritaire et institutionnelle sans précédent, le gouvernement haïtien a annoncé, ce lundi 24 mars, la réouverture imminente du Tribunal de Première Instance (TPI) de Port-au-Prince, ainsi que la mise en place de deux pôles judiciaires spécialisés. Ces mesures visent à restaurer l’efficacité du système judiciaire et à lutter contre l’impunité qui gangrène le pays.
Un retour symbolique du TPI dans un climat d’insécurité
Fermé depuis plusieurs mois en raison de la montée en puissance des gangs et de l’insécurité généralisée, le TPI de Port-au-Prince devrait reprendre ses activités dès la première semaine d’avril. Selon un communiqué conjoint de la Primature et du Ministère de la Culture et de la Communication, cette réouverture est une priorité gouvernementale, réalisée « en accord avec le Conseil présidentiel de transition (CPT) ».
L’objectif affiché est de « garantir une justice équitable, plus accessible et efficace pour tous » en redonnant à l’appareil judiciaire les moyens nécessaires pour remplir pleinement sa mission. Toutefois, les défis logistiques et sécuritaires restent considérables. De nombreux magistrats et greffiers avaient fui leurs postes en raison des menaces qui pèsent sur eux, et la protection du tribunal demeure une question clé.
Des pôles spécialisés pour accélérer les procédures
En complément de cette réouverture, le Conseil des ministres prévoit d’acter la création de deux pôles judiciaires spécialisés destinés à traiter des affaires complexes et prioritaires :
- Un pôle dédié aux crimes de masse et violences sexuelles
Ce tribunal spécialisé sera chargé de juger les auteurs et complices des violences de grande ampleur, notamment les massacres perpétrés contre la population et les violences sexuelles visant les femmes et les filles. « La justice doit être un rempart contre ces actes odieux », souligne le communiqué gouvernemental, insistant sur la nécessité pour les victimes d’obtenir réparation. - Un pôle anti-corruption et criminalité financière
La lutte contre la corruption et le détournement de fonds publics sera également renforcée avec la mise en place d’un pôle dédié aux infractions économiques et financières. Cette mesure vise à restaurer la confiance des citoyens dans les institutions et à sanctionner les responsables des détournements qui affaiblissent encore davantage l’État haïtien.
Des annonces qui suscitent scepticisme et attentes
Si le gouvernement affiche une « détermination inébranlable » à combattre l’impunité, de nombreux observateurs restent sceptiques. Les précédentes tentatives de réforme du système judiciaire se sont heurtées à l’inertie administrative, aux blocages politiques et au manque de ressources.
« Il ne suffit pas d’annoncer l’ouverture d’un tribunal si les magistrats n’ont ni sécurité ni moyens pour travailler », alerte un avocat du barreau de Port-au-Prince.
Sur le terrain, la population attend des mesures concrètes pour assurer l’indépendance de la justice et la protection des juges, souvent menacés dans l’exercice de leurs fonctions. Alors que la violence continue de s’intensifier dans plusieurs régions du pays, la réussite de ces réformes dépendra avant tout de leur mise en application effective et des moyens déployés pour les soutenir.