Le gang « Kokorat san ras » a semé la mort et la désolation lundi matin à L’Estère, incendiant plus d’une dizaine de maisons sous les yeux impuissants de la population. Une attaque filmée qui révèle l’audace croissante des criminels face à l’absence totale de riposte étatique.

Lundi 22 septembre 2025, aux alentours de 10 heures du matin, L’Estère a de nouveau basculé dans l’horreur. Le gang « Kokorat san ras » a mené une offensive d’une rare violence, laissant derrière lui un bilan tragique : un mort, plusieurs blessés par balles et plus d’une dizaine de maisons réduites en cendres. Une attaque qui s’ajoute à celle de Kapenyen, menée à peine 24 heures plus tôt, témoignant de l’escalade terroriste qui frappe cette commune de l’Artibonite.

L’audace criminelle filmée et diffusée

L’attaque de lundi révèle un niveau d’audace inédit chez les criminels. Avant de passer à l’offensive, les assaillants ont méthodiquement bloqué la route nationale numéro 1 à l’aide d’un conteneur, s’assurant ainsi de neutraliser toute fuite ou intervention extérieure.

Plus troublant encore, une vidéo virale sur les réseaux sociaux montre les membres du gang circulant tranquillement dans les rues, armes à la main, après avoir mis le feu aux habitations. Dans ces images glaçantes, ils adressent même des messages de défi à Wilguens, chef de file de la résistance à Kapenyen, sans qu’aucune intervention policière ne vienne troubler leur sinistre parade.

Cette mise en scène macabre illustre un phénomène préoccupant : les gangs ne se contentent plus d’agir, ils revendiquent désormais leurs crimes en public, transformant leurs attaques en spectacle de terreur.

La résistance locale s’organise face au vide étatique

Face à cette escalade, la population ne reste pas passive. Wilguens, figure de la résistance locale, a riposté en diffusant sa propre vidéo, prouvant sa descente au centre-ville de L’Estère. Il s’y vante d’avoir repoussé l’attaque précédente après « plusieurs heures d’échanges de tirs ».

Cette guerre des images révèle une réalité dramatique : faute de protection étatique efficace, ce sont désormais des citoyens ordinaires qui tentent de défendre leur territoire contre les groupes armés. Une situation qui rappelle douloureusement l’époque des milices populaires dans d’autres régions d’Haïti, quand l’État avait abdiqué ses responsrégaliennes.

La colère populaire explose dans les rues

Quelques heures après l’attaque, la frustration a débordé. Des dizaines de jeunes de la commune ont organisé une manifestation pacifique pour dénoncer « la passivité des autorités ». Brandissant des pancartes, ces manifestants ont exprimé leur « impatience » et exigé « l’éradication immédiate des groupes armés qui sèment la terreur dans le département ».

Cette mobilisation citoyenne témoigne d’un ras-le-bol généralisé face à l’inaction des forces de l’ordre. Pour beaucoup d’habitants, ces manifestations représentent le dernier recours démocratique avant que la population ne soit tentée de prendre les armes pour se défendre.

Une police dépassée et instable

Contactée par nos confrères, une source policière a confirmé « l’envoi de renforts pour tenter de rétablir la situation ». Mais cette réaction tardive souligne l’incapacité chronique des forces de l’ordre à anticiper et prévenir ces attaques.

L’instabilité qui prévaut au sein de la Direction départementale de la police complique encore davantage la lutte contre cette violence. Entre manque d’effectifs, d’équipements et de coordination, les policiers semblent livrés à eux-mêmes face à des gangs de mieux en mieux organisés et équipés.

Un département à l’abandon

Ces attaques répétées contre L’Estère s’inscrivent dans une dynamique plus large de conquête territoriale par les gangs. Après avoir pris le contrôle de vastes portions de la capitale, ces groupes criminels étendent désormais leur emprise vers les départements, profitant du vide laissé par un État défaillant.

Pour les familles qui ont tout perdu dans les flammes lundi matin, pour celles qui pleurent leurs morts et soignent leurs blessés, l’urgence n’est plus aux discours mais à l’action. Car derrière chaque attaque, ce sont des vies brisées, des rêves anéantis et une communauté qui sombre un peu plus dans le désespoir.

Alors que la mission internationale peine à sécuriser Port-au-Prince, l’Artibonite bascule à son tour dans la violence. Combien d’autres L’Estère, combien d’autres Kapenyen faudra-t-il avant que la communauté internationale et les autorités haïtiennes prennent enfin la mesure de cette tragédie qui décime le pays ?

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