Après avoir chassé violemment des milliers de familles de leurs foyers, les gangs leur demandent maintenant de revenir. Le RNDDH tire la sonnette d’alarme : ces appels au retour cachent une stratégie macabre visant à utiliser les civils comme boucliers humains. Une manipulation cynique qui illustre jusqu’où peut aller la cruauté des criminels.

Imaginez un incendiaire qui, après avoir brûlé votre maison, vous invite cordialement à revenir y habiter. C’est exactement la stratégie perverse qu’emploient les gangs haïtiens selon le dernier rapport du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) publié ce lundi 15 septembre.

Depuis 2019, ces criminels ont lancé pas moins de dix-neuf appels au retour aux populations qu’ils avaient préalablement terrorisées et chassées de leurs quartiers. Le dernier en date ? L’invitation de Jimmy Chérizier, alias Barbecue, fin août, demandant aux habitants de Delmas, Nazon et Solino de regagner leurs foyers dévastés.

Des « accords de paix » qui ne trompent personne

Le RNDDH ne mâche pas ses mots : ces prétendus accords de paix ne sont que « des trêves sporadiques, souvent limitées à un quartier ou à un poste de péage, négociées à la hâte en raison d’intérêts économiques immédiats et mesquins ». Autrement dit, les gangs ne cherchent qu’à maximiser leurs profits, sans aucune considération pour la souffrance des familles.

Pour nos compatriotes de la diaspora qui suivent ces événements depuis l’étranger, cette manipulation rappelle douloureusement les promesses creuses que font parfois certains politiciens haïtiens : beaucoup de paroles, mais aucune substance ni sincérité.

Le piège des boucliers humains

La véritable intention derrière ces appels est révélée par le RNDDH : utiliser les civils comme boucliers lors des affrontements avec les forces de l’ordre. Une stratégie aussi lâche qu’efficace, qui transforme les victimes en complices involontaires de leurs propres bourreaux.

Le massacre récent de Laboderie, dans la section communale de Boucassin, où plus de cinquante personnes ont péri – enfants, femmes, personnes âgées -, illustre tragiquement ce que risquent ceux qui tombent dans ce piège. Ces morts innocentes ne sont pas des dommages collatéraux : elles font partie intégrante de la stratégie terroriste des gangs.

Quand la réalité rattrape les promesses

Certains déplacés, épuisés par des mois d’exil et accrochés au moindre espoir, ont tenté de regagner leurs quartiers après l’appel de Barbecue. Leur découverte a été cauchemardesque. « Tout a été volé, même les portes », témoigne avec amertume un ancien résident venu constater les dégâts.

Maisons en ruine, églises détruites, écoles saccagées, entreprises pillées : les quartiers « libérés » ressemblent à des zones de guerre abandonnées. Pour beaucoup, la perspective de reconstruction relève de l’impossible face à ce chaos organisé.

L’État absent, la population abandonnée

Le RNDDH pointe du doigt « l’inaction des autorités étatiques laissant la population se débrouiller seule avec les bandits armés ». Un constat amer que partagent de nombreux Haïtiens, qu’ils vivent au pays ou à l’étranger : l’État haïtien a abandonné ses citoyens face à la barbarie.

Même la Police Nationale d’Haïti (PNH) a dû publier un avertissement le 30 août, mettant en garde contre ces appels trompeurs. Mais ces messages d’alerte suffisent-ils quand les familles désespérées n’ont nulle part où aller ?

Barbecue annonce déjà la couleur

Dans sa vidéo de fin août, le chef de gang n’a même pas pris la peine de cacher ses véritables intentions. Tout en « libérant » certains quartiers, il annonçait tranquillement que « de nouveaux plans de bataille contre le Conseil Présidentiel de Transition et le premier ministre Alix Didier Fils-Aimé sont en cours ».

Cette franchise cynique révèle le mépris total des gangs pour la population civile, réduite au rang de pions dans leur guerre contre l’État.

Face à ces manipulations criminelles, une question s’impose : combien de familles haïtiennes devront encore payer le prix de cette guerre que se livrent gangs et autorités ? Et nous, Haïtiens d’ici et d’ailleurs, ne devrions-nous pas exiger de nos dirigeants qu’ils protègent enfin leurs citoyens au lieu de les laisser à la merci de ces prédateurs ? Car rentrer chez soi ne devrait jamais être un acte de courage face à la mort.

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