Un dialogue difficile mais essentiel
Les négociations entre la Russie et les États-Unis, qui ont duré plus de 12 heures, ont abouti à un accord clé entre Moscou et Kiev concernant la cessation des hostilités en mer Noire. Ces discussions, qui se sont déroulées en Arabie saoudite, ont été qualifiées d’« intenses et difficiles » par le diplomate russe Grigory Karasine, mais aussi de « très utiles » pour la suite du processus diplomatique.
Le Kremlin analyse encore les résultats de cette rencontre du 24 mars, et bien que les agences russes aient initialement annoncé un communiqué commun avec Washington, Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, a précisé que le « contenu » des échanges ne serait pas rendu public. Aucune nouvelle date de discussion n’a été fixée pour l’instant, bien que Moscou assure que les contacts avec les États-Unis se poursuivront.
Un cessez-le-feu limité en mer Noire
L’accord majeur issu de ces discussions concerne la cessation des hostilités en mer Noire entre la Russie et l’Ukraine. Selon la Maison Blanche, les deux pays se sont engagés à :
- Garantir la sécurité de la navigation dans la région,
- Supprimer l’usage de la force dans cette zone,
- Empêcher l’utilisation de navires commerciaux à des fins militaires.
Cet accord, soutenu par Washington, marque une avancée diplomatique, bien qu’il soit loin du cessez-le-feu global de 30 jours initialement proposé par les Américains.
Mike Waltz, conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, a salué cette avancée comme une « réussite », la considérant comme une victoire diplomatique pour l’administration Trump. Cependant, cet accord reste fragile et partiel, laissant de nombreuses autres questions en suspens.
Les engagements de l’Ukraine et ses réserves
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a affirmé que son pays entendait « mettre en œuvre » les accords annoncés par la Maison Blanche, les qualifiant de « bonnes mesures ». Il a cependant averti que toute violation de l’accord par Moscou entraînerait une demande de sanctions renforcées contre la Russie ainsi qu’une nouvelle demande d’aide militaire à Washington.
Zelensky s’est également opposé à toute réduction des sanctions internationales contre la Russie, indiquant que cette question avait été soulevée par la partie américaine mais ne figurait pas dans l’agenda de Kiev.
De son côté, le ministre ukrainien de la Défense, Roustem Oumerov, a mis en garde contre toute tentative de la Russie d’étendre sa présence militaire en mer Noire. « Tout mouvement de bâtiments de guerre russes en dehors de la partie orientale de la mer Noire constituera une violation de l’esprit de cet accord », a-t-il prévenu.
Il a également souligné la nécessité de « consultations techniques supplémentaires » pour définir les modalités concrètes de la mise en œuvre, du suivi et du contrôle des engagements pris.
Washington fait un geste en faveur de la Russie
Dans une décision controversée, les États-Unis ont annoncé leur soutien au rétablissement de l’accès de la Russie au marché mondial des exportations agricoles et d’engrais, un point de discorde majeur entre Moscou et l’Occident.
La Maison Blanche s’est engagée à aider la Russie en :
- Facilitant l’accès aux marchés internationaux pour ses exportations agricoles,
- Réduisant les coûts d’assurance maritime,
- Améliorant l’accès aux ports et aux systèmes de paiement.
Ce geste, interprété comme une tentative de compromis pour sécuriser l’accord en mer Noire, a immédiatement été perçu comme une concession par certains observateurs.
Le Kremlin conditionne l’accord à la levée des sanctions
Moscou a réagi en précisant que l’accord ne prendrait effet qu’après la levée des sanctions occidentales sur son commerce de céréales et d’engrais. Dans un communiqué, le Kremlin a exigé :
- La levée des sanctions contre Rosselkhozbank, la grande banque agricole russe,
- La suppression des restrictions sur les principaux producteurs et exportateurs de denrées alimentaires et d’engrais,
- L’arrêt des sanctions sur les compagnies d’assurance et le commerce maritime russe.
Cette position reflète la volonté de Moscou d’utiliser cet accord comme un levier pour alléger la pression économique imposée par les sanctions occidentales.
Un accord fragile aux enjeux multiples
Pour Cyrille Bret, chercheur à l’Institut Montaigne, la Russie profite de ces négociations pour élargir le débat vers la question des sanctions. « Le groupe de travail a planché sur la liberté de navigation en mer Noire, mais les Russes l’interprètent comme la liberté de commercer pour toutes leurs entreprises du secteur agro-industriel. En réalité, ils transforment ces discussions en une négociation sur les sanctions », analyse-t-il.
Ainsi, bien que l’accord en mer Noire constitue une avancée, il demeure conditionné à des enjeux plus larges et complexes. Si les États-Unis semblent prêts à certaines concessions, l’Ukraine reste méfiante, et la Russie pose ses propres conditions.
La mise en œuvre effective de cet accord dépendra donc des prochaines discussions et des capacités des parties à respecter leurs engagements. L’implication d’autres acteurs, notamment les Nations unies, pourrait également être envisagée pour garantir un cadre plus robuste à cet accord fragile.