Dans un ultimatum à peine voilé, les États-Unis ont vertement critiqué l’inaction de l’Organisation des États américains face à la crise haïtienne. Lors de la 55e assemblée générale de l’OEA, Washington a conditionné son soutien financier à un engagement concret de l’organisation dans la résolution des crises régionales, particulièrement celle d’Haïti.

Un rappel à l’ordre diplomatique sans précédent

Le 26 juin, à Antigua, Christopher Landau, secrétaire d’État adjoint américain, a livré un discours qui a fait l’effet d’une bombe diplomatique. Face aux représentants des 34 pays membres de l’OEA, le diplomate américain n’a pas mâché ses mots pour dénoncer ce qu’il considère comme l’échec de l’organisation hémisphérique à remplir sa mission fondamentale.

« Pouvons-nous vraiment affirmer que l’organisation atteint ses objectifs aujourd’hui ? », s’est-il interrogé, citant l’article premier de la Charte de l’OEA qui prône « un ordre de paix et de justice » et la promotion de la « solidarité » entre les États membres. Une question rhétorique qui sonnait davantage comme un réquisitoire qu’une simple interrogation diplomatique.

L’examen Trump : une épée de Damoclès sur l’OEA

Le représentant américain a révélé une information qui a glacé l’assistance : le président Trump a ordonné un examen de toutes les organisations internationales dont font partie les États-Unis. Cette revue, qui doit être achevée dans les six mois, déterminera si ces adhésions servent les intérêts américains et si ces organismes peuvent être réformés.

« À l’issue de cet examen, le secrétaire d’État doit recommander si les États-Unis devraient se retirer de l’un ou l’autre de ces organismes », a précisé M. Landau. Une menace à peine déguisée qui place l’OEA sous surveillance, avec la possibilité très réelle d’un retrait américain si l’organisation ne démontre pas sa pertinence.

Haïti, le test de crédibilité de l’OEA

C’est sur le dossier haïtien que les États-Unis ont porté leurs critiques les plus acerbes. Christopher Landau a dressé un tableau sans concession de la situation : « Des gangs armés contrôlent les rues et les ports de la capitale, et l’ordre public s’y est pratiquement totalement effondré. »

Pour le diplomate américain, cette crise qui « a des répercussions dans toute la région » révèle l’impuissance de l’OEA. Alors qu’une force multilatérale dirigée par le Kenya tente de rétablir un minimum de sécurité, les États-Unis se retrouvent seuls à porter le fardeau financier avec près d’un milliard de dollars d’engagement.

« Les États-Unis ne peuvent pas continuer à assumer ce lourd fardeau financier », a martelé M. Landau, soulignant l’injustice d’une situation où Washington finance seul une mission qui devrait relever de la responsabilité collective régionale.

Un appel à la responsabilité collective

Cette sortie américaine résonne particulièrement fort dans le contexte haïtien actuel. Depuis des mois, nos compatriotes subissent la violence des gangs armés qui ont pris en otage la capitale et paralysé le pays. Pendant ce temps, les instances régionales censées promouvoir la paix et la stabilité semblent observer passivement cette tragédie.

Pour la diaspora haïtienne, notamment celle établie aux États-Unis, ce discours américain peut apparaître comme un espoir. Washington semble enfin exiger que les autres pays de la région assument leurs responsabilités face à la crise haïtienne, plutôt que de laisser les États-Unis porter seuls le poids de l’intervention.

L’ultimatum final

Le message de Christopher Landau était on ne peut plus clair : « Si l’OEA n’est pas disposée ou est incapable de jouer un rôle constructif en Haïti, alors nous devons sérieusement nous demander pourquoi l’OEA existe. »

Cette déclaration marque un tournant dans les relations entre les États-Unis et l’organisation hémisphérique. Après des décennies de soutien, Washington conditionne désormais sa participation à des résultats concrets. L’OEA doit prouver qu’elle peut être autre chose qu’un forum de discussions stériles.

Venezuela : l’autre échec dénoncé

Les critiques américaines ne se sont pas limitées à Haïti. Christopher Landau a également dénoncé l’inaction de l’OEA face à la crise vénézuélienne, où le régime de Maduro a, selon lui, « volé les élections remportées par l’opposition l’année dernière ». « À notre connaissance, rien de concret » n’a été fait par l’organisation, a-t-il fustigé.

Cette double critique révèle une frustration américaine plus large face à ce qu’elle perçoit comme l’inefficacité chronique des institutions multilatérales régionales.

Un moment décisif pour l’OEA

Cette prise de position américaine place l’OEA face à ses responsabilités. Pour Haïti, cela pourrait signifier soit un engagement renforcé de l’organisation dans la recherche de solutions, soit au contraire, un retrait américain qui laisserait le pays encore plus isolé face à ses défis.

Pour nos compatriotes qui espèrent une solution durable à la crise, cette interpellation diplomatique représente peut-être une chance de voir enfin la communauté régionale s’impliquer véritablement. Mais elle soulève aussi la question inquiétante : que se passera-t-il si l’OEA échoue ce test de crédibilité imposé par Washington ?

Une chose est certaine : l’heure n’est plus aux demi-mesures. L’OEA doit agir pour Haïti, ou risquer de perdre son principal bailleur de fonds et, avec lui, sa pertinence sur la scène régionale.

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