Face à l’emprise des gangs, le gouvernement revoit à la baisse ses besoins de financement, priorisant la protection sociale et l’éducation
Le gouvernement haïtien abaisse ses objectifs de financement de 1,3 milliard à 600 millions de dollars pour relancer le pays, asphyxié par la crise sécuritaire. Une décision pragmatique, mais révélatrice des défis immenses qui attendent les Haïtiens, ici et dans la diaspora.
Une ambition freinée par les gangs
Le ministre de l’Économie et des Finances, Alfred Métellus, a annoncé le 27 avril 2025 au Nouvelliste une révision drastique des besoins financiers d’Haïti, passant de 1,3 milliard à 600 millions de dollars. Ce montant, destiné à financer les projets du rapport d’évaluation rapide de l’impact de la crise sécuritaire (RCIA), reflète l’aggravation de la situation. « Plus de quartiers sont sous le contrôle des gangs, et des zones sont inaccessibles », a expliqué Métellus, soulignant que la détérioration sécuritaire a forcé cette réduction.
Pour les Haïtiens de Port-au-Prince, où Viv Ansanm domine 85 % de la ville, et de la diaspora à Miami, cette nouvelle est un coup dur. « On dirait qu’on abandonne les grands rêves pour juste survivre », confie Marie, une mère de famille à Delmas. Pourtant, Métellus rejette tout pessimisme : « Si la situation s’améliore, on pourrait viser 5, voire 10 milliards. » Une lueur d’espoir, mais conditionnée à un retour improbable de la sécurité.
Priorité à la population
Face à l’impossibilité de financer des infrastructures majeures, comme des routes ou des ponts, le gouvernement mise sur des projets sociaux. « Nous priorisons la protection sociale, le retour des enfants à l’école, et des emplois à haute intensité de main-d’œuvre », a détaillé Métellus. Ces initiatives visent à soutenir une population en détresse, avec 5,7 millions de personnes en insécurité alimentaire et un million de déplacés internes.
Un plan de sécurité crucial
Les bailleurs internationaux, essentiels pour mobiliser ces 600 millions, exigent un plan de sécurité clair. Métellus a promis une réunion en juin pour le présenter, avec l’objectif d’améliorer la situation d’ici septembre. « Certains bailleurs conditionnent leur aide à ce plan », a-t-il révélé, soulignant l’urgence de renforcer la Police nationale d’Haïti (PNH) et la mission multinationale kenyane, limitée à 416 officiers sur 2 500 prévus.
Cette condition résonne avec les critiques de Jean Charles Moïse, qui menace de retirer Pitit Dessalines du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) face à l’inaction contre les gangs. À New York, où la diaspora suit la crise avec anxiété, l’attente d’un plan concret est forte. « Sans sécurité, l’argent ne servira à rien », prévient un militant haïtien.
Une conférence décisive à l’horizon
Le gouvernement se tourne vers une grande conférence sur le financement du développement à Séville, en juin 2025, pour convaincre les bailleurs. « Nous y serons pour rencontrer ceux qui ont promis des ressources », a assuré Métellus. Cette réunion, couplée à des concertations avec des économistes internationaux pour le budget 2026, pourrait redéfinir les priorités d’Haïti. Le récent don de 50 millions de dollars de la Banque Mondiale pour l’agriculture montre que l’aide est possible, mais son impact dépendra de la capacité à sécuriser le pays.
À Paris, où les Haïtiens plaident pour plus de soutien international, cette conférence est vue comme une opportunité. « Si Haïti parle fort à Séville, on peut obtenir de vrais changements », espère une étudiante. Mais à Port-au-Prince, où les routes sont bloquées, le scepticisme domine.
Un pari risqué pour l’avenir
Réduire les ambitions à 600 millions est un aveu de faiblesse, mais aussi une tentative de réalisme dans un Haïti à genoux. Prioriser l’éducation, les emplois et la protection sociale pourrait redonner un souffle à des communautés épuisées, de Gonaïves à la Grand’Anse. Mais sans sécurité, ces projets risquent de s’effondrer, comme tant d’espoirs avant eux. À nous, Haïtiens d’Haïti et de la diaspora, de pousser nos leaders et les bailleurs à tenir parole. Que feriez-vous pour ramener la paix et relancer notre pays ? Votre voix peut faire la différence !