Face à la prolifération d’opérateurs illégaux qui promettent monts et merveilles sur les réseaux sociaux, la Banque centrale haïtienne tire la sonnette d’alarme. Un avertissement qui tombe à pic quand des milliers d’Haïtiens cherchent des alternatives pour recevoir l’argent de leurs proches à l’étranger.
Port-au-Prince, ce mercredi 31 juillet – « Transférez votre argent en quelques clics ! », « Paiements instantanés garantis ! », « Frais réduits, sécurité maximale ! »… Ces promesses alléchantes fleurissent sur Facebook, WhatsApp et autres plateformes, ciblant particulièrement les Haïtiens en quête de solutions rapides et économiques pour leurs transactions financières. Mais attention : derrière ces publicités se cachent souvent des pièges dangereux.
C’est pour cette raison que la Banque de la République d’Haïti (BRH) a publié lundi un avis ferme, rappelant au public les risques encourus en utilisant des services non autorisés. Un cri d’alarme qui arrive à point nommé dans un pays où les transferts de fonds de la diaspora représentent une bouée de sauvetage pour des millions de familles.
Des règles claires, souvent ignorées
Le gouverneur Ronald Gabriel ne mâche pas ses mots : « Toute publicité et/ou toute offre de services de transfert d’argent ou de paiement électronique par une entité non inscrite sur cette liste sont illégales. » Une mise au point nécessaire quand on sait que le cadre réglementaire existe depuis 1989, renforcé en 2020.
Seuls les acteurs officiellement reconnus – banques, maisons de transfert agréées et fournisseurs de services de paiement électronique (FSP) – peuvent légalement opérer dans ce secteur. Une liste disponible sur le site de la BRH (www.brh.ht), mais que peu de citoyens consultent avant de confier leur argent à des inconnus.
La diaspora, cible privilégiée des escrocs
Pour comprendre l’urgence de cette mise en garde, il faut se mettre dans la peau d’un Haïtien de Boston qui veut envoyer 200 dollars à sa mère à Carrefour. Face aux frais parfois élevés des services traditionnels comme Western Union ou MoneyGram, l’offre d’un nouveau service promettant des tarifs imbattables peut sembler irrésistible.
Même scénario pour une famille de Port-au-Prince qui découvre une application mobile vantant des paiements « révolutionnaires » pour régler factures d’électricité ou frais de scolarité. Dans un contexte économique difficile, chaque gourde économisée compte.
Le piège du numérique non régulé
L’essor des technologies financières (fintech) a ouvert de nouvelles possibilités, mais aussi de nouveaux dangers. Des développeurs peu scrupuleux créent des applications séduisantes, collectent l’argent des utilisateurs, puis disparaissent du jour au lendemain. D’autres promettent des services qu’ils ne peuvent pas honorer, laissant les clients dans l’impasse.
Le problème est d’autant plus préoccupant que ces opérateurs pirates exploitent souvent la méconnaissance du public sur la réglementation financière. Ils misent sur l’urgence des besoins et la confiance parfois naïve des utilisateurs.
Des conséquences dramatiques pour les victimes
Quand un service non autorisé fait faillite ou s’avère être une escroquerie, les victimes se retrouvent sans recours. Contrairement aux institutions agréées, ces opérateurs ne sont soumis à aucun mécanisme de protection des consommateurs. L’argent perdu l’est définitivement.
Pour des familles qui dépendent des envois de fonds pour survivre, ou pour des entrepreneurs qui utilisent ces services pour leurs activités commerciales, les conséquences peuvent être désastreuses.
Comment se protéger ?
La BRH recommande une démarche simple mais essentielle : vérifier systématiquement que l’opérateur choisi figure sur la liste officielle des entités autorisées. Cette liste, régulièrement mise à jour, est consultable dans la section « Supervision > Autres institutions » du site web de la banque centrale.
Les citoyens peuvent également se méfier des offres trop belles pour être vraies : des frais anormalement bas, des promesses de gains, ou des services non proposés par les acteurs établis doivent éveiller la suspicion.
Un défi de taille pour les autorités
Cette mise en garde révèle aussi les défis auxquels font face les régulateurs haïtiens. Comment contrôler efficacement un secteur en pleine mutation technologique ? Comment sensibiliser une population souvent peu familière avec les subtilités de la réglementation financière ?
La BRH promet des sanctions contre les contrevenants, mais l’application effective de ces mesures reste un enjeu majeur dans un pays où les capacités de contrôle sont limitées.
Dans un pays où l’innovation financière pourrait être un moteur de développement, cette mise en garde rappelle une vérité fondamentale : la confiance ne se décrète pas, elle se mérite. Aux Haïtiens de rester vigilants, aux autorités de mieux contrôler, et aux vrais innovateurs de respecter les règles du jeu. Car c’est seulement dans ce cadre que la révolution numérique pourra vraiment bénéficier à tous.