Guy Rurley Bathalien, fraîchement sorti de l’école de police, a perdu la vie lundi dans un affrontement avec le gang Gran grif. Sa mort soulève une fois de plus la question cruciale de l’équipement inadéquat des forces de l’ordre haïtiennes face à des bandits surarmés.

Un blindé qui ne protège plus, des jeunes policiers qui tombent un à un, et une commune qui vacille sous la pression des gangs. Le drame qui s’est joué lundi 11 août à Liancourt résume à lui seul la tragédie que vit la Police nationale d’Haïti (PNH) dans sa lutte inégale contre les groupes armés.

Guy Rurley Bathalien avait tout juste terminé sa formation à l’Académie de police. Membre de la 34e promotion de la PNH et affecté à l’Unité temporaire anti-gang (UTAG), ce jeune homme avait récemment reçu la bénédiction des leaders de son église avant de débuter sa carrière. Il ne savait pas qu’elle ne durerait que quelques semaines.

Quand les blindés deviennent des pièges mortels

« Il se trouvait à l’intérieur d’un blindé quand il a été atteint d’un projectile à la tête », explique le commissaire principal Jean Jude Chéry, responsable de l’arrondissement de Saint-Marc. Une phrase qui résonne comme un terrible paradoxe : comment peut-on mourir d’une balle à la tête dans un véhicule supposé blindé ?

La réponse du commissaire est glaçante : « Les gangs connaissent parfaitement toutes les défaillances des blindés de la police. » Ces véhicules, censés protéger les agents, sont devenus des cercueils roulants face à des criminels qui maîtrisent leurs points faibles.

Pour les familles de policiers, qu’elles vivent en Haïti ou dans la diaspora, cette réalité est source d’angoisse permanente. Comment accepter qu’un fils, un frère, un père parte au travail dans un équipement défaillant, sachant que l’ennemi en connaît toutes les failles ?

Liancourt : 15 policiers tués en trois ans

Le chiffre donne le vertige : en moins de trois ans, 15 policiers ont perdu la vie à Liancourt face aux bandits du gang Gran grif. Guy Rurley Bathalien vient s’ajouter à cette liste macabre, symbole de l’hécatombe que subissent les forces de l’ordre haïtiennes.

La commune de l’Artibonite, qui avait été libérée il y a quelques semaines par les forces combinées de la police et de la Coalition populaire, risque de retomber aux mains des hors-la-loi. Malgré les efforts pour « déblayer les routes principales et faciliter la circulation », la situation reste précaire.

« Des familles liancourtoises se voient obligées d’entrer à Saint-Marc afin de se protéger », confirme le commissaire Chéry. Un exode qui rappelle douloureusement celui vécu par tant de familles haïtiennes contraintes de fuir leur terre natale, que ce soit vers d’autres régions du pays ou vers l’étranger.

La résistance continue malgré tout

Face à cette adversité, les forces de l’ordre n’abandonnent pas. « Les forces de police, supportées par les volontaires de la Coalition populaire, résistent depuis des semaines », assure le commissaire Chéry. Une résistance qui se paie au prix fort, avec des hommes qui tombent dans des équipements inadéquats.

« Des bandits sont tués. Par prudence, nos policiers ne s’arrêtent pas pour aller récupérer leurs armes et leurs munitions », révèle le commandant, illustrant la complexité d’un combat où même les victoires partielles restent incomplètes par manque de moyens.

Son appel à « rester fermes au combat » résonne comme un cri du cœur face à des hommes qui risquent leur vie quotidiennement avec des équipements défaillants contre des ennemis mieux armés qu’eux.

Un sacrifice qui interpelle la nation

La mort de Guy Rurley Bathalien pose des questions fondamentales que tous les Haïtiens, ici et ailleurs, doivent affronter. Comment peut-on demander à de jeunes policiers de donner leur vie pour protéger la population avec des moyens dérisoires ? Quelle responsabilité porte une société qui envoie ses enfants au combat sans leur donner les outils nécessaires pour survivre ?

Pour la diaspora haïtienne, qui suit avec angoisse ces drames répétés, cette mort soulève aussi la question de l’aide et du soutien à apporter aux forces de sécurité du pays. Car derrière chaque policier tombé, il y a une famille endeuillée, des collègues traumatisés, et une nation un peu plus fragilisée.

Combien de Guy Rurley Bathalien faudra-t-il encore sacrifier avant que les autorités ne dotent enfin la police haïtienne d’équipements dignes de ce nom ?

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